Qui n’a pas entendu dans son enfance : « Ce n’est pas bien d’être jaloux ». Alors pour peu qu’on se sente jaloux, on va tenter de le cacher aux autres et même parfois à soi-même, d’où un sentiment de culpabilité aggravant la situation. Et pourtant, la jalousie, ce n’est ni bien ni mal en soi. C’est ce qu’on en fait qui peut nuire à nos relations.
Un sentiment naturel de la vie de couple
Être en couple, c’est être en lien exclusif avec une personne avec qui l’on partage sa vie. L’exclusivité de ce lien est l’essence même de la vie de couple : on vit à deux, pas à trois, quatre… Certaines expressions le disent à leur façon : ma moitié, mon inséparable, l’homme ou la femme de ma vie,…
Le lien conjugal est un attachement exclusif, donc il est naturel qu’on puisse ressentir de la jalousie si l’on doute de l’engagement de son conjoint, si l’on a le sentiment qu’il aime une autre personne du même amour qu’il nous porte. En ce sens, la jalousie est utile car elle peut nous alerter quand la situation s’y prête.
Mais elle devient problématique quand elle prend toute la place, sans explication rationnelle, sans situation qui semble la justifier. Elle peut même devenir toxique, et paradoxalement, attaquer et détruire le lien conjugal que pourtant, elle semblait vouloir protéger.
Différents types de jalousie
Un grand nombre de mères pourraient témoigner de la jalousie qu’elles ont observée chez leur aîné à la naissance du second. Passagère ou durable, visible ou refoulée, elle est plus complexe qu’il n’y parait.
Si à Noël, un enfant reçoit un cadeau moins intéressant que ses frères et sœurs, il pourra ressentir de la jalousie, mais pas nécessairement. Il pourra aussi ne ressentir que de l’injustice. En fait, il sera sans doute jaloux du frère ou de la sœur dont il est le rival dans la famille. La jalousie renvoie donc ici à un sentiment de rivalité pour se faire une place, pour se sentir autant aimé que l’autre.
Si deux amies se disputent et que l’une en vient à rejeter l’autre sans appel, comme on se débarrasse d’un objet, celle qui s’est sentie rejetée risque de se mette à détester l’autre. Ce désamour la conduira à la jalouser quand l’occasion s’en présentera. La jalousie est liée ici à une expérience de rejet.
Si un homme quitte sa famille et a des enfants d’une autre femme, les enfants de son premier mariage refuseront peut-être de rencontrer ceux du second. La jalousie peut naître d’un sentiment d’abandon.
Ces exemples montrent que la jalousie est un sentiment secondaire, réactionnel : on n’est pas d’abord jaloux mais, parce qu’on se sent moins aimé, rejeté ou abandonné, on va le devenir.
Souvenirs d’enfance
Freud a décrit cette peur comme provenant de la série de désillusions que traverse l’enfant en venant au monde.
- 1ère désillusion : quand bébé nait, il ne fait qu’un avec sa mère. Il pense même faire corps avec elle. Mais la réalité le rattrape : une frontière – et même un espace ! – les sépare. Si cette étape délicate de séparation est vécue de façon insécurisante, une angoisse d’abandon peut survenir et subsister par la suite. La jalousie peut s’expliquer par l’existence d’une angoisse d’abandon.
- 2ème désillusion : bébé pensait que sa mère et lui étaient seuls, mais il s’aperçoit assez vite qu’il a aussi un père. Ils sont donc trois, c’est pourquoi on parle de l’étape de « triangulation ». Cette étape est indispensable pour permettre à l’enfant de sortir de la fusion avec sa mère et s’ouvrir au monde, à d’autres relations. Si cette ouverture ne se fait pas, l’enfant risque de ne rechercher que la fusion comme type de lien dans ses relations. La jalousie peut manifester cette difficulté à sortir d’un mode fusionnel, à vivre le manque et la frustration.
- 3ème désillusion : bébé s’aperçoit qu’il existe une relation qui ne passe pas par lui : la relation entre son père et sa mère. Cette exclusion est un palier de plus. S’il le vit mal, il peut en garder l’idée que dans une relation à deux, une tierce personne représente un danger : soit d’être exclu de la relation, soit d’être moins aimé.
Une insécurité
Tout bébé est donc invité à passer de un à deux, puis à trois. Nous en gardons tous une trace. Nous pouvons le repérer quand nous sommes avec une personne qui nous est chère (meilleur ami, amoureux..) et qu’une tierce personne vient et « jette son dévolu » sur elle, suscitant en retour son intérêt, de telle sorte qu’au bout d’un moment, aucune des deux ne s’adresse plus à nous…
Certains le vivront bien, d’autres seront en difficulté, voire en danger. Inconsciemment, c’est la façon dont nous avons vécu ces étapes de sortie de la fusion dans notre enfance qui est alors réactivée.
Sur un chemin escarpé de montagne, ceux qui ont le vertige sont paralysés, ou tentent de s’accrocher à tout ce qu’ils peuvent. Les autres marchent en regardant plus loin et droit devant eux, sans être happés par le vide à leurs pieds. La jalousie a quelque chose de ce manque d’assurance, de cette difficulté à ne plus être focalisé sur le vide pour regarder devant soi.
Lorsqu’elle devient pathologique, la jalousie est révélatrice d’un manque de confiance en soi, d’une insécurité profonde ou accidentelle, qui pousse à vouloir posséder l’autre. En identifier le pourquoi permet d’en prendre conscience et ne plus s’en sentir coupable, c’est un premier pas. Et pour en sortir, il peut s’avérer nécessaire de se faire aider, par exemple par un psychologue, en participant à un groupe de parole…